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Pierre Marcel, Président de TOURNUS EQUIPEMENT et C.E.D

Ma première question, en tant que chef d’entreprise, c’est : comment réussir à aligner les objectifs des collaborateurs, des dirigeants et des actionnaires ? Je crois fermement que l’entreprise est plus performante si elles donnent des règles de partage des fruits de la croissance avec les collaborateurs.

Concrètement, en 2007, je suis arrivé dans une entreprise où les relations sociales étaient très mauvaises. J’entendais parler de la « direction » contre « les autres », sur un fond de lutte des classes.

  • Comment vous avez fait ?

D’abord, j’ai travaillé sur la communication interne. Ma première action a été de créer un journal interne mensuel, une feuille de chou envoyé au domicile de chacun avec la feuille de paie. Je voulais que tout le monde puisse la montrer à sa famille, raconter, être fier de son métier et de son entreprise.

Ensuite, j’ai créé des réunions d’expression libre, 3 fois par an. Avec 3 règles : pas d’ordre du jour, pas de compte rendu et pas de mauvais esprit. À chaque fois, les collaborateurs peuvent venir échanger avec moi sur ce qui leur tient à cœur.

Enfin, j’ai décliné la stratégie de l’entreprise en plans d’actions et objectifs à tous les niveaux de l’entreprise pour que chacun puisse se l’approprier.

À l’issue de tout cela seulement, j’ai mis en place l’actionnariat salarié, qui compte aujourd’hui 60 % de mes 240 collaborateurs. J’ai choisi des conditions très favorables : il faut seulement 3 mois d’ancienneté pour pouvoir devenir actionnaire et on peut entrer au capital chaque année, au mois de mai.

  • Quels effets sur l’entreprise ?

Plus de fierté des collaborateurs. Or, on ne peut pas être performant si l’on n’est pas fier de son métier. Ils se disent non seulement « j’appartiens à l’entreprise » mais surtout « j’ai décidé d’appartenir ». C’est une preuve tangible de la confiance que leur font l’entreprise et ses dirigeants.

Mon attractivité en tant qu’employeur a augmenté. J’ai récemment pu embaucher 23 personnes, soit 10 % de mon effectif, alors que nous vivons une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans l’industrie. Ce n’est pas un hasard. Non seulement, il y a le principe de l’actionnariat, mais ils voient aussi que la valeur de l’action (logée dans un FCPE) a doublé en 4 ans…

  • Que diriez-vous à un dirigeant qui hésite ?

Que ça a marché dans mon entreprise.

Que s’il partage, il créera plus de valeurs pour son entreprise. Ne soyez pas l’ennemi de vos intérêts. La valeur votre entreprise si vous restez seul à bord sera toujours difficile à évaluer. Mais si vos collaborateurs ont acheté le projet et contribué activement à le concrétiser…

  • Avec le recul quels sont les pièges à éviter ?

Croire que mettre en place de l’actionnariat salarié relève de la bonne action, d’un certain crédit moral qui vous serait donné. L’actionnariat salarié a une rationalité économique et sociale forte qui se résume à cela : on est plus fort ensemble.

Penser l’actionnariat salarié comme un pansement ou une chape de plomb sur des relations sociales qui ne sont pas pacifiées. C’est un gros piège, parce que quand on touche aux questions d’argent, on touche à un sujet très émotionnel et parfois imprévisible pour les gens.

  • Par quoi commencer ?

D’abord créer du lien social au sein de l’entreprise, à l’aide de la communication interne. Il faut trouver le moyen de formuler et partager le projet d’entreprise. In fine, c’est cela que vont acheter les salariés s’ils deviennent actionnaires.

Mettre en place un intéressement et une participation si ce n’est pas déjà fait.

  • Quelle est votre prochaine étape dans l’association des salariés ?

La gouvernance ! Comment faire entrer un peu de représentation des salariés dans un peu de gouvernance. On a commencé en intégrant les représentants du FCPE (des actionnaires). La pire erreur, je crois, serait de contraindre cette représentation par la loi. Si vous obligez chaque comité exécutif à intégrer des représentants des collaborateurs, ils vont rapidement se vider de leur substance et d’autres rendez-vous se créeront de facto. Tout cela prend du temps et le premier frein à lever, c’est le manque de formation de collaborateurs pour participer aux instances de gouvernance.

Pierre Marcel

Pierre Marcel Président de TOURNUS EQUIPEMENT et C.E.D

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